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Le développement de l'âme

Alfred Percy Sinnett
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CHAPITRE XVII :
L'INDIVIDUALITÉ (1/2)

Certains problèmes de conscience, paraissant au premier abord toucher de très près à l'étude philosophique de la Nature et des destinées de l'homme, sont, on réalité, si complexes qu'on ne peut les examiner qu'à la lumière d'une science étendue. C'est précisément le cas de l'état de conscience que nous nommons Individualité. Il semblerait rationnel d'étudier ce sujet en retraçant d'abord le cours de l'évolution humaine ; mais on ne pourrait le traiter sans faire allusion à toutes les phases de l'évolution. Pour apprécier comme il convient la genèse et les destinées de l'individualité, il faut embrasser à la fois les nombreux plans de la Nature, les états de conscience inférieurs où ce phénomène de l'individualité n'est pas appréciable, et aussi l'ensemble du système auquel nous appartenons. La façon absurde dont la spéculation conventionnelle analyse ce sujet démontre combien il est impossible de le faire intelligemment, sans une compréhension assez complète de l'ensemble de la donnée théosophique.

      La création d'une Ame humaine serait un simple acte de Volonté divine, exécutable aussitôt qu'il plaît à deux êtres humains de réaliser certaines conditions ; elle est l'opinion favorisée par l'ignorance, et une ignorance du type le plus primitif, si même elle se cache sous des dehors scientifiques ou érudits. Cette opinion n'est pas de nature à exalter la Puissance divine ; elle implique l'absence de toute perception des Méthodes divines, et méconnaît, de la façon la plus absurde, la grandeur de l'œuvre en question. La haute science nous démontre que la création des âmes humaines – le développement de l'individualité dans la conscience universelle – est l'un des buts essentiels du système auquel nous appartenons. Si l'organisation des systèmes et chaînes planétaires, avec tous leurs règnes naturels, n'était qu'un jeu pour l'Omnipotence, elle représenterait encore le plus déplorable gaspillage d'énergie que l'esprit pût concevoir. La Sagesse suprême ne saurait être prodigue à ce point – elle ne serait pas alors la Sagesse suprême. Mais lorsque, avec le temps, nous saurons avec quels soins l'individualité humaine est guidée, protégée dès les premiers stades de son développement ; lorsque nous ajouterons à la connaissance de cette individualité une certaine appréciation des destinées qui peuvent lui être réservées ultérieurement, nous comprendrons enfin que l'évolution d'une individualité est une œuvre prodigieuse, même pour l'Omnipotence divine.

      Selon toute apparence, ce travail ne peut s'accomplir que par le processus, lentement élaboré et plein de longs détours, que nous appelons la descente de l'esprit dans la matière. Ce processus se divise lui-même en trois grands stades : la préparation des plans matériels, le développement de la conscience en individualité sur ces mêmes plans, puis l'entraînement de cette individualité jusqu'à la réalisation complète de ses potentialités, car, avant ce dernier stade, elle n'est, en somme, qu'un embryon d'individualité.

      En un certain sens, plus facile à mentionner qu'à comprendre, les manifestations primitives de la matière représentent l'état de conscience (ou une partie de la conscience) de l'esprit qui les a engendrées. Toutefois, ni les aspects éthérés des règnes élémentals, ni les manifestations plus condensées du monde minéral émergeant de ses origines nébuleuses, ne présentent une trace de conscience d'ordre individualisé. Si, avançant d'un pas, nous observons, à l'origine du règne végétal, les premières pulsations qui décèlent la vie, nous trouvons encore l'énergie spirituelle à la base de cette manifestation. Nous pouvons alors définir l'essence monadique animant le monde végétal comme distincte de l'essence monadique qui anime le règne minéral ; mais le développement de l'individualité est encore loin de s'accomplir. Ce n'est qu'après une suite d'efforts prolongés que la manifestation animale de l'esprit émerge du règne végétal ; mais ce résultat n'est pas encore le but cherché. Le règne animal possède une conscience d'une nature infiniment plus élevée que celle du règne qui le précède immédiatement dans l'évolution ; cependant cette conscience n'est encore qu'une manifestation collective. L'essence monadique converge vers un foyer spécial, mais la convergence n'est pas établie encore.

      Par quel procédé s'accomplit, à l'origine du système universel (dans les premiers manvantaras des premiers systèmes) cette concentration de la conscience dans l'unité individuelle ? Il est inutile de nous y arrêter. Pour parvenir à comprendre l'individualité, il suffit d'en retracer la genèse jusqu'à des périodes d'évolution que nous puissions concevoir plus aisément que les périodes d'activité initiales de la Nature. Lentement, très lentement, l'essence monadique animant les régions supérieures du règne animal recueille en sa conscience l'expérience qu'elle est susceptible d'acquérir dans le genre d'existence qu'elle anime. Puis, au cours de ses manifestations incarnées, elle devient sensible à l'influence d'un état de conscience plus élevé. Pour mieux comprendre cette idée, voyons comment elle s'exécute, lorsque le règne humain est déjà développé. Un animal, sur le plan physique, s'attache de son propre mouvement à un être qui lui est supérieur, c'est-à-dire à une créature humaine déjà individualisée. Cette conception, présentée d'abord sous un jour plutôt poétique que scientifique – et qui pour cela n'en est pas moins exact – nous montre comment cet attachement, premier éveil du grand principe d'amour, prend dans la conscience de l'animal l'aspect d'une aspiration élevée et, créant en cette conscience un foyer de force spirituelle, y engendre l'individualité.

      Dès lors, il existera sur le plan spirituel quelque chose de bien défini – nuage, centre ou point, comme il nous plaira de le nommer – qui est l'individualité réincarnante. Sa subtilité est extrême, à peine peut-elle se concevoir, et ses contours sont très estompés ; néanmoins, c'est un quelque chose qui s'est séparé de la masse totale d'essence monadique qui animait l'animal au début de son existence. C'est une énergie spirituelle devenue indépendante et capable maintenant de s'exprimer dans une forme physique nouvelle. Pour la même raison elle ne peut plus s'exprimer dans une forme animale. Par cet acte d'individualisation elle est entrée dans un autre règne de la Nature, et appartient désormais à l'espèce humaine.

      Une idée bien nette de ce point tournant de l'évolution est indispensable pour comprendre le développement de l'âme dès son origine ; en outre, elle éclaire vivement tous les problèmes relatifs à l'instinct animal, sur lequel on raisonne, en général, d'une manière si fausse. A un moment donné de sa vie, l'animal, appartenant à une espèce quelconque, n'a ni plus ni moins de raisonnement que les autres animaux de sa classe. La même intelligence, la même âme, pourrais-je dire, les anime tous. Ils profitent tous également de l'expérience recueillie par ceux qui les ont précédés, dans leur classe, mais ils n'en peuvent faire d'autre : aucun animal de cette espèce n'a le cerveau conditionné pour acquérir de nouvelles expériences différant notablement de celles auxquelles il est accoutumé. Il assimile, dans une certaine mesure, celles qu'il rencontre sur son chemin et, par ce moyen, développe l'âme commune à toute l'espèce ; c'est l'essence monadique en voie de développement.

      Le fait suivant, malheureusement bien connu, nous en donne un triste exemple. On sait que, dans les contrées nouvellement explorées, la présence de l'homme n'effarouche ni les animaux ni les oiseaux. Mais lorsque l'homme inculte, le sauvage, pénètre au milieu d'eux, armé d'une massue ou d'une carabine, ils le reconnaissent bien vite comme un terrible ennemi. Les malheureuses victimes de sa férocité ne sont pas les seules à s'en apercevoir : leur âme-groupe en prend connaissance, et elle tressaillera dans toutes ses manifestations subséquentes, sous l'empire de cette appréhension nouvelle.

      Ne commettons pas l'erreur de croire que l'âme collective du règne animal soit douée de sagesse spirituelle. Elle représente la conscience sur l'échelle ascendante, mais à l'un des stades primitifs de son évolution. Cette âme n'est ni plus élevée ni plus sage que les animaux qu'elle inspire, et elle est exactement représentée chez eux par le degré de leur évolution mentale. Mais chacun d'entre eux profite également du fonds de savoir et d'expérience commun ; chaque conscience a sa part de l'expérience acquise par toutes les autres. Par exemple, lorsqu'un animal souffre, l'âme commune à son espèce souffre aussi ; de même, lorsqu'un homme se blesse à la main droite, l'homme entier souffre, bien que sa main gauche ou son pied ne ressentent aucune douleur.

      Le langage devient impuissant, car les conceptions de notre cerveau physique sont impuissantes elles-mêmes à interpréter les relations existant entre les diverses âmes collectives du règne animal. Le volume d'esprit (s'il est permis d'employer ce terme impropre) qui, pour un temps donné, anime un ordre inférieur de vie animale, doit indubitablement accomplir son évolution et animer ultérieurement un ordre supérieur ; mais il serait prématuré de vouloir définir exactement les changements par lesquels ce progrès se réalise. Il nous serait plus utile de comprendre comment l'animal différencié évolue ensuite vers la véritable individualité humaine, c'est-à-dire comment un animal quelconque, appartenant à une des espèces supérieures, engendre une individualité réincarnante et passe ainsi, après une longue et heureuse période de repos non physique, dans le règne humain.




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